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Les prémices de l'Âge d'Or des comics : 1937 à 1942
(13 juillet 2005)

Detective Comics #1, mars 1937
La fin de l'Âge de Platine


J'arrive au terme de ce voyage captivant à travers les premières années du Golden Age, de 1937 à 1942. D'ailleurs, à en croire les spécialistes, l'Age d'Or ne commence qu'en 1938, avec un certain Superman, qui fait ses débuts dans

Action Comics #1, daté de juin 1938, et donc publié en mars ou avril (l'antidate). Les quelques couvertures qui datent d'avant le premier Super (en slip rouge) appartiennent donc à l'ère précédente de la bande-dessinée américaine : l'Âge de Platine (Platinum Age, 1897-1937). Ces comics d'un genre alors nouveau ont certes vieilli en ce qui concerne les narrations, mais les couvertures, elles, ont conservé une qualité inaltérée par le temps. Leur côté "reliques" leur donne même un éclairage différent et en quelque sorte une plus-value. C'est d'autant plus vrai quand on connait la valeur marchande de ces objets collectors, qui pour certains sont devenus les comics les plus chers qui existent... Ainsi, il n'existerait à ce jour qu'une centaine de copies du légendaire et déclencheur Action Comics #1, estimé en 2003 à 1 million de dollars US en très bon état (Near Mint, source : http://collectibles.about.com/cs/comicbooks/ a/blprcomic103103.htm). De même, Flash Comics #1 de 1940 serait considéré comme le 8ème comics le plus cher du medium, et fût vendu aux enchères en 2004 pour la modique et coquette somme de 42 000 dollars US (article très impressionnant de comicbookresources.com : http://www.comic bookresources.com/news/ newsitem.cgi?id=4275). Gageons qu'il y a là de quoi réfléchir avant de tout brader dans un vide-grenier, mais c'est sans risque car quelle est la probabilité de trouver Batman #1 dans une vente à l'étiquette un dimanche à Schnersheim ?

Flash Comics #1, janvier 1940
La 8ème merveille (la plus chère) du monde (des comics)


Pour que le glânage de couvertures soit bon, la sélection doit passer par une plongée intensive dans l'univers graphique choisi. Dans l'ordre de parution, chaque comic-book est passé au crible afin d'extraire de la pile les morceaux en or ("Golden Age", "en or", oui, c'est facile...). Sur 484 comics parcourus, 115 furent glânés, sur des critères malheureusement très flous et entièrement subjectifs, j'en ai peur. Il est même envisageable que j'aie omis quelques raretés incontournables, telle qu'une première apparition d'un super-personnage dissimulée dans un comic-book au titre peu explicite... Les puristes du Golden Age (qui sont encore en vie) m'en excuseront. Notons que seulement 3 spécimens retenus furent publiés par la Marvel de l'époque, Timely ; les autres heureux élus appartenant intégralement à DC (National Comics). Avec un peu de perspective, la Marvel n'est évidemment pas en reste, puisqu'elle connaîtra ses années de gloire plus tard avec le "Silver Age of Marvel Comics", et en particulier les palpitantes années 1968 et 1969, où la Maison des Idées crève le plafond avec les Kirby, Romita Sr et autres Steranko, Colan ou Adams. Mais ceci est une autre histoire, le Golden Age, à n'en pas douter, est initié par DC Comics, alias National. Timely verra la manne et lancera ses propres personnages en super-caleçons, tels que Captain America, Namor ou la Torche Humaine.

Detective Comics #51, mai 1941
L'excellence par Bob Kane

 

 

L'immersion chronologique dans autant de comics a pour avantage de voir de près l'évolution, les changements du support au fil des mois et des années. Bien que la couverture ne fasse qu'effleurer d'un snapshot l'histoire que le comic-book contient, on peut voir une nette évolution dans ces 5 premières années des super-héros.

D'abord, il faut souligner la grande qualité graphique de la plupart des couvertures, j'ai pour ma part été très surpris par certaines de Bob Kane (Detective Comics #51, #56 et #58 en 1941 entre autres), celles de Sheldon "Shelly" Moldoff avec Hawkman (par exemple Flash Comics #15), ou encore les premières Joe Simon & Jack Kirby chez DC, où on voit leurs tentatives parfois réussies de transpercer la couverture et de "sauter en dehors du papier" (Star Spangled Comics #9 et #13, en 1942).

 


Captain America Comics #1, mars 1941
Le super-soldat libère sa Führer.


Mais avant tout, le comics est un miroir de son époque et des moeurs en vigueur, qu'il le veuille ou non, qu'il en soit conscient ou pas. Et de 1938 à 1942, c'est précisément une période charnière de l'histoire qui se déroule, où les repères sont bouleversés soudainement par le conflit international qui se déclare et s'envenime dans le monde entier.
L'implication des Etats-Unis va évidemment s'en ressentir sur la production de comics, et il est possible de s'en rendre compte ne serait-ce qu'à travers cette mince sélection de couvertures. La première conséquence visible sur les titres de comic-books est l'apparition de nouveaux titres patriotiques en 1941. Captain America chez Timely entre avec fracas avec une première couverture où l'étendard vivant du drapeau étoilé punche Hitler à travers la page. Hawkman abat un avion en plein air (Flash Comics #17, mai 1941), tandis que Superman affronte un tank (Action Comics #40, septembre 1941), ou marche fièrement bras-dessus bras-dessous avec des militaires (Superman #12, septembre 1941). More Fun Comics #72 (octobre 1941), qui signifie pourtant "plus d'amusement", montre une scène d'action sur un sous-marin nazi dont le Dr Fate affronte les occupants armés. Où est donc passé le "fun supplémentaire" ? Star Spangled Comics ("l'étoilé ?") fait son apparition sur les newstands, et Superman s'énerve contre un navire japonais (Superman #13, novembre 1941).

 

Green Lantern #3, printemps 1942
Chaque héros participe à l'effort de guerre...


Mais c'est après l'attaque japonaise à Pearl Harbor, en décembre 1941, et la déclaration de guerre du Japon aux Etats-Unis et à l'Angleterre que les USA n'ont plus le choix quant à leur implication. Le ton va alors changer, jusque dans les comics, où flambée nationaliste continue et enfle en 1942... On sait à présent que les comics s'adressaient notamment aux soldats, et que les périodiques leur étaient envoyés à la guerre, et cela démontre d'autant plus à quel point le comic-book peut être vu à présent comme un outil de propagande pendant la 2ème Guerre Mondiale. Superman porte fièrement l'aigle américain sur le fond du drapeau étoilé (Superman #14, janvier), pendant que Green Lantern casse du nazi au-dessus d'une terre où l'Europe est clairement en flammes... Même Wonder Woman, fraichement débarquée, semble affronter l'ennemi, certes à cheval et avec un lasso, mais les mitraillettes ne l'arrêtent pas ! DC publiera également un titre "Histoire de la Bible en Image d'après l'Ancien Testament", le regain religieux ne va-t-il pas de paire avec les bonnes valeurs nationalistes ?

 

Superman #18, septembre 1942
"contre les Japanazis" .

 

En effet, n'est-il pas un tant soit peu choquant avec le recul que nous offrent plus de 60 ans passés, de voir Superman planté droit debout sur le monde (Superman #17, juillet 1942), soulevant dans une main Hitler, et dans l'autre un japonais (certainement une caricature de l'empereur Hirohito, d'après les lunettes exagérément grossies et le fait qu'il n'était pas chauve...) ? Ou dans le numéro qui suit (#18, septembre 1942) : Superman est assis sur un missile plongeant accompagnés d'avions américains, et un texte dit "Acheter des timbres et des Liberty Bonds fait l'affaire contre les Japanazis!". Qu'en est-il alors des jeunes lecteurs ainsi encouragés à la haine de l' "ennemi" et à l'effort patriotique ? Enfin, World's Finest, qui dans les numéros précédents transpirait de naïveté et affichait un ton bon enfant et familial avec Batman, Robin et Superman, montre les 3 héros sur fond de drapeau étoilé (World's Finest #6, été 1942), ou encore assis, souriant sur les canons d'un navire de guerre (World's Finest #9, automne 1942).